L’illettrisme
Selon les derniers chiffres de l’Insee publiés en décembre 2012, 7 % des personnes âgées de 18 à 65 ans scolarisées en France sont en situation d’illettrisme.
Déchiffrer un plan, rédiger un rapport d’intervention, remplir le formulaire d’un client, comprendre une consigne écrite… ces actions simples et quotidiennes pour une majorité de français, constituent une difficulté insurmontable pour encore 2,5 millions de personnes. Selon les derniers chiffres de l’Insee publiés en décembre 2012, 7 % des personnes âgées de 18 à 65 ans scolarisées en France sont en situation d’illettrisme. Et parmi ces personnes, plus de la moitié (51 %) exercent une activité professionnelle. Même si le phénomène est en légère baisse, l’illettrisme reste à la source de nombreuses inégalités et tensions sociales.
Présentation
Pour l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme, l’illettrisme désigne des personnes qui « après avoir été scolarisées en France, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante »[1].
[1] Définition de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme : http://www.anlci.gouv.fr/Illettrisme/De-quoi-parle-t-on/Les-definitions
Déclarée grande cause nationale 2013, l’illettrisme concerne aujourd’hui plus de 2,5 millions de personnes en France, soit 7 % de la population, contre 9 % lors de la précédente enquête en 2004. Mais «contrairement à ce que l’on imagine, ces personnes ne sont pas en grande précarité ni en situation d’exclusion. Plus de la moitié travaillent et sont intégrées socialement», explique Anne Messegue, chargée de mission régionale à l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. 53 % d’entre elles ont plus de 45 ans et 71 % parlaient uniquement le français à la maison. «Ces personnes sont allées à l’école, elles ont acquis des bases peu stables. Ensuite, elles n’ont guère eu l’occasion d’écrire ou de lire et ces acquis se sont délités», ajoute Anne Messegue.
Des situations difficiles à identifier
Pour s’intégrer professionnellement, les personnes en situation d’illettrisme sont contraintes de développer des compétences pour leur éviter d’avoir recours à l’écrit et à la lecture. Ces stratégies de contournement de l’écrit leur permettent, pour la plupart, d’assumer leur vie sociale et professionnelle au quotidien. Mais conséquence de cette intégration « cachée » de leurs lacunes, ces salariés demeurent fortement dépendants de la stabilité de l’environnement où ils ont construit leurs repères et se trouvent en situation de grande fragilité lorsque leur quotidien se transforme. Une situation grandement invalidante dans le monde du travail où il faut fréquemment s’adapter à des changements d’organisation, à de nouvelles consignes, à des imprévus, etc.
« Le public en situation d’illettrisme est un public caché, malaisé à repérer, qui dissimule ses difficultés. Il vit avec une culpabilité au quotidien depuis qu’il a quitté l’école. On lui a tellement dit qu’il n’y arriverait jamais ! », explique Anne Seyve Markley de l’association Lettres pour l’être. Il s’avère donc difficile d’identifier une personne en situation d’illettrisme car elle a souvent mis en place des subterfuges afin d’éviter de se retrouver en difficulté. Elle trouve des échappatoires pour ne pas avoir à lire ou écrire devant un tiers. Mais certains embarras peuvent être des indices : elle ne sait pas bien expliquer son itinéraire pour se rendre dans son quartier ; elle évalue mal le temps qu’elle a mis pour venir ; elle ne connaît pas sa date de naissance… Tous ces signes trahissent des difficultés à se repérer dans l’espace et le temps. Face à une fiche à remplir, elle prétextera avoir mal à la tête, aux yeux ou qu’elle est fatiguée. Elle se fera accompagner, demandera si elle peut emporter les papiers chez elle pour les remplir au calme, dira avoir oublié ses lunettes.
Formation et employabilité
Aujourd’hui, les emplois qui ne requièrent jamais de savoir en lecture et en écriture se raréfient. Il est de plus en plus difficile de trouver et de garder un emploi avec une incapacité à lire et à écrire correctement. La robotisation et la dématérialisation du travail contribuent à accroître, depuis une vingtaine d’années, la prééminence de l’écrit dans le fonctionnement des entreprises. Le développement des fonctions de contrôle, en lieu et place du travail physique sur les machines, accentue encore la tendance.
C’est notamment en raison de cette évolution que le législateur est intervenu.
Selon l’article L. 6321-1 du Code du travail, l’employeur a une obligation générale de formation qui se traduit notamment par la proposition de formation afin de lutter contre l’illettrisme.
« L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme, notamment des actions d’évaluation et de formation permettant l’accès au socle de connaissances et de compétences » Nb : Ces actions de formations sont en principe recensées dans le plan de développement des compétences. Même si le Code du travail ne le prévoit pas expressément, ce plan devrait être réalisé tous les ans notamment en vue de la consultation du CSE (cf. ci-dessous).
C’est en vertu de ce principe que la Cour de cassation a par exemple condamné, en mars 2010, l’hôtel Concorde-Lafayette pour n’avoir pas formé quatre de ses salariés, alors qu’ils étaient illettrés et employés de l’hôtel depuis de nombreuses années (Cass. soc. 2 mars 2010, 09-40.914 ; 09-40.915 ; 09-40.916 ; 09-40.917). En l’espèce, quatre travailleurs maliens n’avaient reçu aucune formation, notamment en vue de combattre leur illettrisme, alors qu’ils étaient présents au sein de l’entreprise depuis plus de 20 ans. Ils ont alors saisi la juridiction prud’homale de demandes de dommages-intérêts pour absence de formation professionnelle, notamment pour combattre leur illettrisme du fait de leur origine malienne, et d’évolution de carrière.
Les travaux de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) ont permis une prise de conscience et des actions de lutte contre l’illettrisme au travail. Toutefois, le nombre de salariés concernés par des actions de formation reste encore faible. Selon L’ANLCI, 21 000 salariés seulement ont été formés durant les trois années qui ont suivi la signature des conventions avec l’Opca (Organisme paritaire collecteur agréé) devenu l’Opco et le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale). Des résultats encore bien en deçà des enjeux.
Le rôle du CSE
Le CSE a un rôle important à jouer dans la lutte contre l’illettrisme dans le cadre de son rôle consultatif sur la formation.
En effet, la formation professionnelle est abordée, chaque année, lors des consultations récurrentes obligatoires relatives :
- aux orientations stratégiques de l’entreprise qui porte notamment « sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences » (L2312-24) ;
- à la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi durant laquelle sont notamment traitées les questions portant sur l’évolution de l’emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l’employeur (L2312-26). Lors de cette consultation, l’employeur doit notamment mettre à la disposition des élus les informations portant sur l’évolution de la formation, le nombre et les conditions d’accueil des stagiaires ainsi que sur le plan de développement des compétences de l’entreprise.
A l’occasion de ces consultations, les élus du CSE doivent donner leur avis et peuvent être force de proposition dans les différentes formations proposées par l’entreprise. Ils pourraient donc mettre en avant certaines actions pour identifier et lutter contre l’illettrisme au sein de l’entreprise avec des formations appropriées.
Nb : Dans les entreprises de 300 salariés et plus, le CSE doit constituer, en l’absence d’accord collectif en disposant autrement, une commission de la formation (L2315-49). Cette commission est notamment chargée d’étudier les moyens permettant de favoriser l’expression des salariés en matière de formation et de participer à leur information dans ce domaine.
L’illettrisme, motif de discrimination ?
Le Code du travail prévoit en son article L1132-1 le principe de non-discrimination et liste un ensemble de motifs qu’il est interdit de prendre en compte sous peine de discrimination.
Selon cet article aucun salarié ne peut par exemple être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification ou encore de classification en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou encore de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.
Dans les motifs énoncés par le Code du travail, l’illettrisme n’est pas retenu. Ce n’est donc pas un motif de discrimination selon le Code du travail.
Cela pourrait s’expliquer par le fait que cette caractéristique n’est pas intrinsèque à la personne et peut être corrigée par des formations spécifiques notamment proposées par l’employeur (cf. obligation de formation de l’employeur).
En savoir plus
Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI)
Centre ressources illettrisme (CRI)
GLOSSAIRE
Illettrisme :
Qualifie une situation de personnes de plus de 16 ans qui, bien qu’ayant été scolarisées en langue française, ne parviennent pas à lire ni à comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples.
Analphabétisme :
Qualifie une situation de personnes étrangères ou d’origine étrangère n’ayant jamais eu l’occasion d’apprendre un code écrit dans aucune langue et se trouvant donc incapable de lire et d’écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec sa vie quotidienne.
Français Langue Etrangère (FLE) :
Qualifie une situation de personnes étrangères ne maîtrisant pas la langue française, mais ayant été scolarisées dans leur pays d’origine (quel que soit leur niveau de compétences de base).
Recevez la newsletter mensuelle relayant l’actualité des CSE & les offres de nos partenaires
Trouvez un fournisseur, prestataire de services spécialisé CSE recommandé par MémentoCSE